La question religieuse et le socialisme (1891)

Un texte de Jaurès, La question religieuse et le socialisme, apparaît dans les années 1960.

En 1961, Madeleine Rebérioux rappelle les débats qu’il provoqua et dans un article intitulé ‘Socialisme et religion : un inédit de Jaurès, 1891‘, synthétise sa réflexion sur l’évolution de la pensée religieuse de Jaurès. Extraits et lien vers l’intégralité de l’article.

« A peine publiée et popularisée par la presse, La Question religieuse et le socialisme souleva de vifs débats. […]

Qu’avait donc écrit Jaurès ? « Le christianisme traditionnel se meurt, philosophiquement, scientifiquement et politiquement », et ce n’est pas « le christianisme flottant des dilettantes mystiques » qui s’y substituera. La société humaine, toutefois, a profondément besoin de religion, c’est-à-dire de « croyances communes qui relient toutes les âmes en les rattachant à l’infini d’où elles procèdent et où elles vont », c’est pourquoi le problème religieux est « le plus grand problème de notre temps et de tous les temps ». Il ne sera résolu que par la victoire du socialisme, par l’établissement d’une société fondée sur la propriété collective seule capable, en créant les bases d’une égalité véritable, de rendre à tous les hommes le sens de l’infini, c’est-à-dire du divin. Le socialisme est donc la condition d’un durable réveil religieux, quelle que soit son « adhésion apparente aux conceptions matérialistes » ; celles-ci s’expliquent, se justifient par le combat que les militants doivent mener contre la religion actuelle, « organisation théocratique au service de l’iniquité sociale ».

C’est pourquoi, conclut Jaurès superbement, « même si les socialistes éteignent un moment toutes les étoiles du ciel, je veux marcher avec eux dans le chemin sombre qui mène à la justice, étincelle divine qui suffira à rallumer tous les soleils dans toutes les hauteurs de l’espace ». Rejet donc du christianisme et de ses variantes néo-chrétiennes, volonté d’action politique aux côtés des socialistes pour l’édification de la société collectiviste, importance primordiale accordée au problème religieux, conception philosophique profondément idéaliste selon laquelle l’appréhension du divin devient la perspective lointaine, mais certaine, la fin du combat socialiste.

Ces formules font comprendre que les polémiques, lors même qu’elles concernaient les implications philosophiques de la pensée jaurésienne, aient été, dès le début, inséparables de la datation du texte. L’hypothèse de M. Launay, devant laquelle se trouvèrent les premiers commentateurs, le situait dans la dernière période de la vie de Jaurès, en tout cas après la réalisation de l’unité socialiste en 1905. Que Jaurès fût resté idéaliste n’était certes une révélation pour personne. Mais l’importance qu’il attachait au problème religieux, la « part de vérité » qu’il trouvait encore dans le christianisme, surprirent. Si c’était là le dernier état de sa pensée, son testament spirituel en quelque sorte, il témoignait chez cet homme d’une cinquantaine d’années, en pleine maturité politique et intellectuelle, de préoccupations spiritualistes que la vie militante n’avait pas fait reculer et d’une conception de la hiérarchie des urgences bien différente, au moment où se préparait le grand massacre, de celle qu’il affirmait alors, aussi bien dans l’Humanité et dans la Dépêche, que dans ses articles de la Revue de L’Enseignement supérieur et dans ses discours. Ainsi s’expliquent l’étonnement des militants, l’intérêt des croyants, l’adhésion de ceux pour qui la doctrine marxiste contient des implications idéalistes et religieuses que Jaurès aurait, selon eux, peu avant sa mort, pressenties.

Or, ces pages ne datent pas de 1914, mais de 1891…  »

Lire la suite de l’article de Madeleine Rebérioux, en pdf… :

article_reberioux_ahess_1961

Voir aussi, sur cette question, le point de vue d’Henri Guillemin, différent de celui de Madeleine Rebérioux.

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