Tyrannie du peuple ou tyrannie du capital ? (Jaurès, 1894)

Juillet 1894. Vingt ans avant que finalement l’impôt sur le revenu soit établi, Jaurès monte au créneau pour le faire voter par la Chambre. Un impôt qui ne suffit pas à « créer un ordre social nouveau » mais qui, en attendant, doit déjà permettre « d’atténuer le plus possible les inégalités ». 

La très grande majorité des députés rejettent la proposition de Jaurès : ce serait donner au peuple « un instrument de confiscation, de spoliation » !

Extrait, en réponse, du discours de Jaurès sur cet impôt sur le revenu :

« Nous les avons souvent entendues, les grandes paroles contre la tyrannie du peuple ! Et pendant qu’on la dénonce, on maintient la tyrannie réelle du capital. Je n’ai pas entendu dire que depuis un siècle le peuple ait abusé des forces qui étaient dans ses mains ; c’est lui, en somme, qui a aidé, par les grandes journées révolutionnaires, au mouvement de la Révolution ; et pourtant, à peine la Révolution fut-elle installée et maîtresse, que les citoyens actifs et riches supprimaient les droits politiques des prolétaires qui avaient fait la Révolution. Voilà comment le peuple abuse de sa victoire.

La vérité, c’est que la force de la démocratie, du prolétariat, rencontre tous les jours devant elle des obstacles formidables, tous ceux du passé, tous ceux du présent, les résistances de l’Église, celles des grandes fortunes que l’ouvrier et le paysan ont à peine le temps de penser de loin en loin à l’exercice intermittent de leur souveraineté. C’est miracle s’ils arrivent à pouvoir faire passer une ou deux petites réformes tous les vingt ans. Et c’est de ce peuple désarmé, qui lutte si péniblement contre la force de résistance qui l’accable, contre les efforts de la réaction qui le menacent, que vous osez dire : Il ne faut pas le déchaîner, il ne faut pas lui mettre entre les mains un instrument de spoliation. Et pendant qu’on ne lui permet pas de spolier les autres en idée, on le spolie, lui, par des impôts de consommation, on lui retranche sur ses salaires ce que le capital lui a laissé.

Représentation classique de l'impôt pour ses opposants...

Représentation classique de l’impôt pour ses opposants…

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