Jaurès – de Vladimir Maïakovski

En 1924, notamment en réaction à la panthéonisation de Jaurès et à sa récupération, le grand poète russe Vladimir Maïakovski consacre le poème suivant à Jaurès :

C’est novembre mais la foule serrée a très chaud.

Je suis là debout et regarde longuement :

sur les pneus devant moi roulent de grosses boules en tricornes.

Ayant lavé leurs mains rougies par la guerre

et ayant soupesé les chances des rouges

ils se sont mis en tête un nouveau commerce :

ils veulent spéculer sur Jaurès.

Ils diront aux travailleurs :

Regardez lui aussi est avec nos grands hommes.

Jaurès un authentique français

ne dérangera plus même au Panthéon.

Des flots de phrases larmoyantes sont prêtes à couler.

Une escorte un quadrige quel effet !

Ne bougez plus !

Dites qui de vous à tiré sur Jaurès dans la devanture ?

Et maintenant vous êtes venus hurler à la mort.

Aie l’oeil classe ouvrière !

Camarade Jaurès ne te laisse pas assassiner une seconde fois.

Pas question.

Dressant la forêt de mâts des drapeaux

soudant la foule dans une seule houle

tonnant et vivant comme avant,

Jaurès rejoint le Panthéon par la rue Soufflot.

Il est présent dans ces cris qui montent,

dans ces drapeaux dans ces pas dans ces dos déformés par le travail.

« Vivent les soviets ! A bas la guerre ! Capitalisme, à bas ! »

Et voilà une flamme accourt et brûle

et le chant rougeoie sur les lèvres.

Et il semble qu’à nouveau dans la fumée

les canonniers montent vers les forts de Paris.

On me pousse le dos contre une vitrine

et voilà que les ombres sont sorties des livres.

Et de nouveau l’année 71 se lève des pages bruissantes.

Une montagne de poitrines pourrait se soulever.

Un cri de colère :

« Qui ose dire que nous en 17 nous avons trahi le peuple français ?

Mensonges. Nous sommes avec vous Français en blouse d’ouvrier.

Oubliez cette calomnie affreuse

Sur toutes les barricades nous sommes vos alliés

Ouvriers du Creusot ouvriers de chez Renault !

Vladimir  Maïakovski. Poème publié dans le recueil Écoutez si on allume les étoiles… (choix et trad. Simone Pirez et Francis Combes,  Le Temps des cerises, 2005).

 Maiakovski

Ce contenu a été publié dans Sur Jaurès, avec comme mot(s)-clé(s) , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *