Ils ont lu la lettre d’un islamo-gauchiste dans toutes les écoles de France !
On se souvient des récents propos de J.-M. Blanquer (22 octobre 2020, Europe 1) : « Ce qu’on appelle l’islamo-gauchisme fait des ravages. […] Ces gens-là favorisent une idéologie qui, ensuite, de loin en loin, mène au pire… ».
Mais alors, comment comprendre la décision du ministre de faire lire dans toutes les écoles de France, le jour de la rentrée, un texte d’un des pires islamo-gauchistes que la France ait connus.
J’ai nommé Jean Jaurès.
Gauchiste, personne n’en doute. Il le revendiquait même dans une profession de foi politique sans ambiguïté :
« J’étais donc toujours dirigé par ce que Marx a nommé magnifiquement l’évolution révolutionnaire. […] Je ne me préoccupais pas seulement de limiter la puissance capitaliste, et d’élever la condition des prolétaires ; je me préoccupais surtout d’introduire […] des formes nouvelles de propriété, à la fois nationales et syndicales, communistes et prolétariennes, qui fissent peu à peu éclater les cadres du capitalisme […], qui [les] démentent et qui [les] dépassent, qui annoncent et préparent la société nouvelle, et par leur force organique hâtent la dissolution du monde ancien. »
Islamo-, c’est peu dire ! Comment les Blanquer (« Si on fait de la repentance ‘plus-plus’, on a de l’intégration ‘moins-moins' » (Blanquer, sur BFM-TV, le 4/10/2020) pourraient-ils en douter en lisant Jaurès, lors des massacres commis par la France au Maroc (1912) :
« Ce qui est sûr aussi, c’est que le retentissement tragique de ces massacres, à l’heure même où cent millions de musulmans s’indignent et s’exaspèrent, va donner à la France, dans le vaste monde de l’Islam, un autre renom que celui que nous, mauvais Français, nous avions rêvé pour elle. La politique de rapine et de conquête produit ses effets. De l’invasion à la révolte, de l’émeute à la répression, du mensonge à la traîtrise, c’est un cercle de civilisation qui s’élargit (1). […] Si les violences du Maroc et de Tripolitaine achèvent d’exaspérer, en Turquie et dans le monde, la fibre blessée des musulmans, si l’Islam un jour répond par un fanatisme farouche et une vaste révolte à l’universelle agression, qui pourra s’étonner ? Qui aura le droit de s’indigner ? » (2)
On ne comprend donc pas comment, mais comment donc, le ministre de l’éducation a-t-il pu ainsi faire lire à tous les enfants de France un texte d’un islamo-gauchiste aussi radical ! Certes, il y avait quelques bonnes raisons – les deux principales étant d’une part l’incapacité d’un seul intellectuel contemporain proche de l’actuel gouvernement à penser un discours intelligent sur les sujets dont traite Jaurès dans sa lettre aux instituteurs et institutrices ; d’autre part le racolisme politico-putassier : ces dix dernières années, Jaurès a été revendiqué par Le Pen, Sarkozy, Hollande et Macron –, mais quand même ! Quand même !
Monsieur Blanquer, resaissez-vous ! Reprenez raison, enfin ! : un islamo-gauchiste plus-plus comme Jaurès, dans toutes les écoles de France, c’est assurément du macronisme moins-moins – qui ensuite, de loin en loin, mène au pire…
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(1) L’expression est ironique. Voir l’article intégral.
(2) On s’étonne que de tels propos, ajoutés à ceux que Jaurès écrivit sur la barbarie colonialiste et sur l’admirable civilisation arabe, n’aient pas encore conduit quelque collectif d’universitaires a publier une tribune pour clouer au pilori cet idéologue « indigéniste, racialiste et décolonial » avant l’heure.