« Lorsque, malgré tout, la violence éclate, lorsque le cœur de ces hommes s’aigrit et se soulève, ne tournons pas contre eux, mais contre les maîtres qui les ont conduits là, notre indignation et notre colère ! » (Jaurès, 1912.)
On cite beaucoup Jaurès, en ce moment, depuis les événements survenus à Air France. Parfois pour ne promouvoir que les propos où il condamne la violence des grévistes… en omettant de citer l’analyse qu’il fait de cette violence.
En se gardant bien également de rappeler que Jaurès n’était déjà pas dupe de la manière dont les journaux utilisent certains mots – « violences » , « prise en otage », « sabotage » (en 1912), etc. – pour tenter de convaincre l’opinion que les pratiques qui blessent, tuent, humilient, détruisent, psychiquement et physiquement, ne sont jamais le fait des hommes en cravates qui dirigent entreprises, médias, ministères…
Alors, pour savoir exactement ce que Jaurès pensait à ce sujet, trois textes de lui :
M. Clemenceau et les grèves (mars 1906)
[Rappelons juste que début 1906, Clemenceau – que Valls s’honore de préférer à Jaurès – n’avait pas encore, comme dans les années suivantes, systématiquement écrasé dans le sang les grèves et les mouvements ouvriers – y compris en recourant de façon systématique à l’infiltration de provocateurs et d’agents doubles dans les rangs des syndiqués…]
Violence patronale, violence ouvrière (juin 1906) – texte le plus célèbre – réponse de Jaurès, à la Chambre, aux attaques de Clemenceau – un Clemenceau qui s’étonnait de la violence ouvrière dans le contexte d’une année où lors de la plus meurtrière des catastrophes minières d’Europe (plus de 1200 morts), il était apparu que la direction et les ingénieurs de la mine avaient sacrifié des mineurs pour sauver du matériel…
Violence des pauvres, violence des maîtres (février 1912) – texte le plus synthétique de Jaurès sur le sujet, issu de son discours au Congrès socialiste de 1912.
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« Ainsi, tandis que l’acte de violence de l’ouvrier apparaît toujours, est toujours défini, toujours aisément frappé, la responsabilité profonde et meurtrière des grands patrons, des grands capitalistes, elle se dérobe, elle s’évanouit dans une sorte d’obscurité… » (Jaurès, juin 1906)