Peu de temps après le scandale de Panama (cf. ce texte) et suite à des attentats anarchistes, la Chambre vote les « lois scélérates », destinées à réprimer le mouvement anarchiste et qui conduisirent notamment à interdire de nombreuses publications anarchistes.
Lors d’une des séances à la Chambre, Jaurès prend la parole : et si les germes des attentats anarchistes n’étaient pas où on le croit…
Compte-rendu, dans un journal de l’époque, de son intervention (pour le lecteur moins pressé, la quasi intégralité de l’intervention est publiée ici) :
M. Jaurès déclare qu’il n’accuse pas seulement les hommes atteints directement ou indirectement à l’occasion d’une affaire dont tout le monde a le souvenir (Panama) ; il accuse la société, où la corruption s’étend jusqu’à ceux qui représentent le pays.
» Vous cherchez d’où vient le germe de l’anarchie ? Cherchez dans les milieux où fréquentent les hommes publics…
D’après M. Dupuy, ajoute M. Jaurès, l’anarchie commence par le mépris de l’autorité et du suffrage universel. Mais n’est-ce pas plutôt ceux qui favorisent les tripotages véreux et les laissent impunis qui troublent les consciences ?
M. Dupuy a dit aussi que le principe de l’anarchie était le mépris de la vie humaine. Mais la respectent-ils la vie humaine, ces financiers sans scrupules qui accumulent tant de ruines et causent tant de suicides ?
D’où est venu ce poison politico-financier qui empoisonne la République ? De ce que Gambetta a voulu fonder une nouvelle société bourgeoise. Pour cela, il a dû la mettre en rapport avec les puissances de la finance. Le parti opportuniste les a laissé devenir toute-puissantes et il a humilié la République devant la haute banque. Qu’est-il arrivé ? Qu’en voulant réunir deux éléments contraires, la démocratie et la finance, on a réussi à faire triompher la politique d’affaires sur la politique de principes. »
M. Jaurès propose donc l’amendement suivant : « Seront considérés comme ayant provoqué aux actes de propagande anarchiste tous les hommes publics, ministres, sénateurs, députés, qui auront trafiqué de leur mandat, touché des pots-de-vin, participé aux affaires financières véreuses. »